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Une histoire politique du site internet de l’Assemblée

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affiche_journee_patrimoine_2015Ce week-end avaient lieu les Journées du patrimoine. L’Assemblée s’est encore une fois pliée en quatre pour battre au score l’Élysée et le Sénat recevoir un très nombreux public. Il faut dire que ce week-end de septembre est un moment important dans la vie de l’Assemblée : ces deux jours ont longtemps été les seules « portes ouvertes » annuelles, avant qu’il ne soit décidé en 1998 d’accueillir le public les jours où les députés ne siègent pas. La visite guidée y est plus complète que celle des jours ordinaires (avec en bonus les salons de l’Hôtel de Lassay), mais l’idée générale est la même : présenter et sensibiliser le public au travail parlementaire en s’appuyant sur la présentation des œuvres d’art et du patrimoine du Palais-Bourbon.

Pour coller au thème imposé du XXIème siècle, le graffeur new-yorkais JonOne (dont l’Assemblée vient d’acheter un tableau) a été mis à l’honneur. Le thème « patrimoine et numérique » a été complètement délaissée pour l’occasion, ce qui est plutôt étonnant pour une Assemblée du XXIème siècle. Il y a beaucoup à dire pourtant.

Je saisis donc la balle au bond. Je vais profiter de l’occasion pour essayer de montrer en quoi, depuis 18 ans, le site internet de l’Assemblée et les Journées du patrimoine au Palais-Bourbon participent d’une même logique politique.

Préambule : pourquoi faire une histoire politique d’un site internet ?

L’Assemblée a cette particularité de se positionner dans l’espace public à la fois comme une institution politique et une institution culturelle. Cette double posture, elle l’assume aujourd’hui plutôt bien, mais ce ne fut pas toujours le cas. À la fin des années 1990, il y a eu un tournant sur ce plan. L’Assemblée a manifesté l’ambition de s’ouvrir aux citoyens et de créer une proximité avec ces derniers. Un programme de médiation culturelle a été mis en œuvre avec trois initiatives principales : l’ouverture au public, une chaîne de télévision est lancée et le site internet est créé.

Dans ce cadre, retracer l’histoire du site internet de l’Assemblée, c’est une manière de retracer l’histoire de l’ouverture de l’Assemblée. Ou, plus précisément (puisqu’en réalité cette problématique était déjà posée en 1791), c’est décrire comment cette question de la relation entre l’institution et les citoyens fait son retour depuis une vingtaine d’années. Mon hypothèse est que ce site internet, dans ses formes successives, incarne à chaque fois une manière différente de concevoir l’ouverture de l’Assemblée.

Faire une histoire politique du site internet de l’Assemblée, c’est alors décrire la manière dont une interface, ni figée ni définitive mais au contraire souple et malléable, se transforme au rythme des technologies du web et des idées d’une époque. À instant t, ce site internet constitue un arbitrage temporaire sur une manière de se mettre en scène, c’est-à-dire qu’il donne à voir un positionnement d’ordre identitaire. Sur la durée, ce site internet incarne une politique de communication institutionnelle qui évolue, et qui nous renseigne sur la manière dont aujourd’hui l’Assemblée se perçoit, envisage son rôle et se représente les citoyens.

I. La publicité des débats sur internet (approx. 1997 − 1998)

La première période est celle de la présidence de Philippe Seguin (1993-1997), c’est celle des tâtonnements. Le site internet de l’Assemblée a été créé à son initiative, mis en ligne le 19 janvier 1996, avec quelques mots signés de sa main qui donnent une idée de la teneur du projet. Ils sont affichés en page d’accueil de la première capture d’écran disponible, qui date de la fin de la dixième législature, juste avant la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac. Le logo et son slogan ne pourraient être plus explicites : un site internet avatar d’une Assemblée (littéralement) branchée.

Page d'accueil, le 12 avril 1997

Page d’accueil, le 12 avril 1997

Cette toute première version du site internet est déjà plus qu’une brochure. Elle contient des actualités parlementaires mises-à-jour régulièrement, et le compte-rendu des séances (au format PDF). Ce point est important. Il montre que le site n’est pas une simple transposition du support papier vers le support numérique, mais montre déjà la volonté de disposer d’un support médiatique direct et réactif. L’Assemblée est déjà engagée dans cette logique d’« aller là où les gens sont » (mantra de la quatrième période) pour diffuser au maximum les travaux parlementaires.

Si le site internet préexiste donc à la chaîne parlementaire LCP − Assemblée nationale (1999), qui a été créée dans la même visée, il faut remettre ces deux initiatives dans une même dynamique et une même temporalité, étant donné qu’il est nettement plus compliqué de mettre en place une chaîne de télévision, ne serait-ce que pour des motifs juridiques. Les années 1997-1998 ont été marquée à l’Assemblée par une forte volonté de créer du lien avec la société.

Page d'accueil, le 16 octobre 1997

Page d’accueil, le 16 octobre 1997

Quelques mois plus tard, la page se structure en faisant apparaître trois menus. Le premier, le plus complet, est invisible depuis la page d’accueil, on y accède par l’intitulé “Clés d’accès”. Les deux autres proposent des accès directs, et sont d’ailleurs en partie redondants (peut-être simplement en raison du peu contenu du site). L’un, en tête de page, correspond à une vision plus institutionnelle (l’Assemblée, son organisation, son patrimoine et son fonctionnement). Tandis que l’autre, au centre, oriente vers les documents relatifs au travail parlementaire en cours. Les comptes-rendus intégraux ne sont plus les seuls documents en ligne, de nombreux documents en PDF sont soigneusement rangés, et mis-à-jour au rythme de l’avancée des travaux. On peut donc déjà suivre en suivre l’essentiel en ligne. On note l’apparition d’une photographie, mais en second plan. Pour l’instant, le fond prime.

Page d'accueil, le 15 mai 1998

Page d’accueil, le 15 mai 1998

Puis, très vite le site atteint une première maturité, l’Assemblée se met en scène d’une manière plus affirmée. Au centre de la page d’accueil, c’est désormais une photographie des symboliques colonnades qui attrape le premier coup d’œil des visiteurs. En périphérie, les logos disgracieux ont disparus, et une mention apparaît concernant le nombre de visiteurs accumulés : il devient important de montrer que le site est fréquenté. On entre timidement dans une logique éditoriale : une sélection d’actualités parlementaires est désormais mises en avant sur la page d’accueil. Le site commence à incarner en lui-même ce que l’Assemblée est, il va devenir son avatar numérique.

Page forums, le 4 octobre 2001

Page forums, le 4 octobre 2001

En cohérence avec le projet de proximité et d’ouverture voulu par Laurent Fabius, un espace de recueil de remarques et contributions citoyennes est réservé sur le site internet. Ce n’est rien d’autre qu’un forum multi-thématique modéré par le service de la communication, et dont les thèmes suivent l’actualité parlementaire. Petit clin d’œil à la consultation citoyenne de février dernier, peut-être n’était-elle après tout pas si révolutionnaire… cet espace ne sera supprimé que lors de la version de 2010.

En bref, mi-1998, la page d’accueil du site internet de l’Assemblée est déjà un carrefour d’accès autant qu’un espace d’annonce et un support de mise en scène de l’institution. La logique du portail y est en germe.

II. La naissance du portail (approx. 1998 − 2002)

La seconde période correspond aux présidences de Laurent Fabius (1997-2000) et de Raymond Forni (2000-2002). Le premier des deux est connu pour avoir voulu « ouvrir les grilles de l’Assemblée aux citoyens » et avoir initié la politique d’accueil du public au Palais-Bourbon tout le long de la session parlementaire. Poursuivant le projet de Philippe Seguin, il s’efforce d’étoffer le site internet de façon à en faire le fer de lance de cette politique d’ouverture, ce qui est d’autant plus profitable que ainsi l’Assemblée se montre innovante et même en phase avec les préoccupations de la société civile (c’est à cette époque qu’est lancé le F.A.I. Wanadoo).

Fin 1998, le site internet abandonne son nom de domaine initial (http://www.assemblee-nat.fr) pour prendre l’actuel. Conjointement, la page d’accueil est complètement restructurée à la mode des diaboliques cadres HTML. Le fond blanc est délaissé, un ton à dominante bleu-violet est choisi, la mise en scène visuelle s’appuie sur un montage photographique étroitement intégré au reste de la page. L’écharpe tricolore fait son apparition. La dimension visuelle est très travaillée.

Page d’accueil, le 29 février 2000

Au delà de la forme, cette nouvelle version est une complète restructuration, une nouvelle naissance presque. Contrairement à ce qui se faisait jusqu’ici, où prévalait la modification par essais et erreurs, il y a eu ici une réflexion de fond menée en amont. La page d’accueil du site devient un véritable portail, où l’Assemblée propose désormais des services spécifiques à internet, parmi lesquels : un moteur de recherche indexant l’ensemble des documents parlementaires disponibles, la retransmission vidéo en direct, un espace presse où figure tout ce dont a besoin un journaliste (communiqués de la présidence, de la division presse, dépêches AFP, résumé de l’actualité…), une liste de diffusion.

Mais, à ce stade, le portail est toujours une vitrine, c’est-à-dire qu’il ne propose qu’une sélection de contenu pour lesquels un accès direct est proposé. Le véritable site n’est accessible que dans un second temps, où l’on trouve un véritable menu de navigation, qui évite de revenir à la page d’accueil. Exemple ci-dessous :

Page Actualité, le 4 mars 2000

Page Actualité, le 4 mars 2000

Cette distinction entre page d’accueil et site proprement dit, héritée dès début, ne conviendra pas. Vu d’aujourd’hui, il est clair que cette nouvelle maquette était encore trop hybride mais, à vrai dire, les raisons de son insuccès restent mystérieuses. Le hasard veut qu’à ce moment, Laurent Fabius laisse la présidence à Raymond Forni. Faut-il attribuer à ce dernier cette insatisfaction concernant le site ? Nous ne saurons pas.

Quoiqu’il en soit, début 2001, à peine trois ans plus tard, la maquette de la page d’accueil est une nouvelle fois restructurée en profondeur. Pour l’occasion, la base de données des questions au gouvernement fait son apparition avec un moteur de recherche dédié. La récente identité visuelle est recyclée pour l’occasion en un bandeau d’en-tête.

Page d'accueil, le 4 mai 2001

Page d’accueil, le 4 mai 2001

Le paradigme de la page d’accueil change radicalement. Un portail apparaît pleinement à présent, avec ses deux colonnes qui donnent à voir l’intégralité des rubriques du site, tout en encadrant les dernières actualités. Il y a dans cette maquette une verticalité et une impression de masse qui n’est pas sans rappeler l’imposante architecture du Palais-Bourbon. On y retrouve les dorures dans le visage statufié accolé à la photographie de l’hémicycle, les colonnes et le fronton. Graphiquement, le site internet s’inspire, reproduit, ou prolonge, l’identité visuelle de l’institution.

Dans sa structure, le site ne changera plus pour les 10 années suivantes. Une liste d’actualités illustrée et un formulaire de recherche sont maintenant placés au centre de la page. Ce n’est pas tant que les accès directs ont disparu, c’est qu’il n’y a désormais plus que des accès directs. C’est la nouvelle politique de l’interface : tout contenu semble devoir être accessible d’un seul clic. Un nouveau site pour « une information encore plus pratique et encore plus accessible ». Dans un glissement sémantique subtil, le souci d’accessibilité des contenus rejoint ici l’idéal d’ouverture de l’Assemblée : s’il n’y a besoin de rien rechercher, n’est-ce pas le signe que tout est accessible ?

III. La séparation des espaces (approx. 2002 − 2010).

La troisième période correspond à la présidence de Jean-Louis Debré (2002-2007), qui a laissée une nette empreinte dans les esprits. Lui aussi était, à sa manière, convaincu de la nécessaire ouverture et proximité que l’Assemblée devait entretenir vis-à-vis des citoyens, mais il avait dans le même temps une vision de l’institution qui confinait au sacré. Jean-Louis Debré est connu pour avoir été agacé par l’épisode d’intrusion dans l’hémicycle d’un individu venu remettre un trophée au Premier ministre Raffarin dans les tous premiers jours de sa présidence. Il est celui qui a mis un tour de vis sécuritaire, dont les journalistes et les collaborateurs parlementaires se souviennent encore aujourd’hui ; il est aussi celui qui a fait installer le brouilleur d’ondes GSM dans l’hémicycle pour éviter que les députés ne puissent communiquer avec l’extérieur durant le temps des débats. Mais d’un autre côté, il est aussi celui qui a opéré le grand nettoyage immobilier de l’Assemblée, a entrepris de gros chantiers de rénovation des œuvres du Palais-Bourbon, et y a fait s’envoler les chiffres de fréquentation du public.

Sa vision de la relation citoyens/Assemblée est, dirons-nous, classique. Chacun à sa place et les moutons seront bien gardés. Ouvrir au public oui, mais ouvrir le patrimoine. À ces yeux, la fonction et les missions du député doivent être respectées, protégées, voire sanctuarisées. Le Palais-Bourbon est la maison des députés, avant d’être celle des citoyens. Dans cette idée, le site internet devait d’abord trouver une raison d’être dans l’utilité que les députés pouvait y trouver. De fait, durant tout le temps de sa présidence, la page d’accueil n’a plus de raison d’évoluer, à l’exception de quelques retouches : de nouveaux liens et nouveaux contenus éditoriaux dans les deux colonnes latérales et quelques retouches de police et de couleurs. Voici en effet le site tel qu’il était fin 2005 :

Page d'accueil, le 13 décembre 2005

Page d’accueil, le 13 décembre 2005

Quelques mois avant le début de la XIIIème législature, si le site internet fait malgré tout peau neuve, c’est parce qu’il est jugé vieillissant comparativement à ce qu’il se fait ailleurs en Europe. Une nouvelle version est inaugurée en grande pompe, dans le cadre de ce qui est annoncé comme la « seconde révolution internet de l’Assemblée ».

Le 5 décembre 2006

Page d’accueil, le 5 décembre 2006

On voit que la forme ne change pas à proprement parler : les deux colonnes latérales demeurent même si leur réorganisation est légèrement revue pour améliorer la navigation. Pour ce qui est du fond, on nous annonce que dorénavant le compte-rendu analytique est mis en ligne prioritairement aux autres supports, ce qui permet à l’Assemblée de gagner en indépendance vis-à-vis du Journal Officiel. Il se dit que le moteur de recherche est aussi plus performant. En quoi est-ce une seconde révolution ?

À vrai dire, la principale nouveauté se situe à un niveau invisible pour les citoyens. Pour cette version, le souci n’a pas tant été de penser une ouverture citoyenne qu’un outil de travail pour les députés. On venait de s’apercevoir quelques années avant qu’une très grande proportion de visite du site internet de l’Assemblée provenait de l’Assemblée elle-même. Si on sait peu de choses sur l’appropriation citoyenne du site de l’Assemblée, il est certain que ce fut un succès (inattendu) chez les équipes parlementaires. Avec cette version du site, sont alors apparus les bureaux virtuels pour les députés.

Un bureau virtuel est ni plus ni moins ce qu’on appelle ailleurs un environnement numérique de travail (ENT), c’est-à-dire une version spécifique du site, accessibles aux seuls détendeurs d’identifiants personnels, et proposant des services réservés (comme par exemple : un agenda synchronisé, un client de courrier électronique). Ce bureau virtuel a été aussi l’occasion pour l’Assemblée de dématérialiser totalement certaines procédures parlementaires (par exemple le dépôt d’amendement ou le dépôt de questions), faisant que ce site internet deviennent véritablement intégré dans les pratiques quotidiennes des équipes parlementaires.

Enfin, au rang des autres nouveautés, on ne peut manquer d’évoquer aussi le choix de (doublement) draper ce site des couleurs du drapeau national, comme pour en souligner le caractère officiel, et par là la grandeur de l’Assemblée. La charte graphique ne fait pas dans la subtilité, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais en tenant compte du fait que les députés sont à présent considérés comme utilisateurs du site à part entière, on comprend qu’il ait fallu l’enrober d’une certaine légitimité, ou d’une certaine respectabilité. D’ailleurs à ce jour, le bureau virtuel des députés utilise toujours cette maquette.

IV. L’éclatement (approx. 2010 − aujourd’hui)

La quatrième et actuelle période correspond aux présidences de Bernard Accoyer (2007-2012) et Claude Bartolone (depuis 2012), et inaugure le retour du citoyen comme préoccupation principale de la page d’accueil. Après quatre années de service, début octobre 2010, la version bleu-blanc-rouge disparaît. L’esprit portail s’estompe d’ailleurs aussi pour l’occasion. Les deux colonnes latérales restent, mais la colonne centrale cesse d’afficher des liens au profit de petits billets dans l’esprit blog. L’ensemble se rapproche des thèmes type magasine que l’on trouve sur les CMS, ce qui souligne une volonté éditoriale nouvelle. Curieux clin d’œil aux toutes premières versions, la logique de l’accès direct disparaît, et on voit revenir le menu d’en-tête qui, dans sa version de 2013, ressemble étonnamment à celui d’octobre 1997.

Le 6 octobre 2010

Page d’accueil, le 6 octobre 2010

Page d’accueil, le 2 avril 2013, version actuelle

Page d’accueil, le 2 avril 2013, version actuelle

L’évolution  de 2010 montre que l’Assemblée ne cherche plus à créer son double numérique, mais davantage à faire exister un magasine web. De la même manière que sur la lettre d’information hebdomadaire, le service de la communication s’adresse ici en direct avec les visiteurs en choisissant soigneusement ses mots et ses illustrations. À cette même époque, l’Assemblée se positionne sur Twitter, Facebook et Google Plus. À cette même époque aussi est lancé le portail de vidéos à la demande (VOD), et également le site mobile. À cette époque encore, est mis en place la possibilité pour chacun de se créer un compte personnel pour bénéficier des services tels que le suivi personnalisé de l’actualité parlementaire. Une nouvelle ère commence : il ne s’agit plus d’être à un endroit où le public sait trouver l’Assemblée, il s’agit dorénavant d’aller à la rencontre du public pour l’inviter à s’intéresser aux travaux parlementaires.

Page de la consultation, le 17 février 2015

Page de la consultation, le 17 février 2015

Et si c’est à cette période que la rubrique Forum dès premiers jours disparaît, c’est que l’Assemblée veut franchir un pas supplémentaire. Elle ne veut plus se contenter de recueillir comme une boite-aux-lettres les commentaires citoyens, elle veut organiser le débat. C’est le syndrome « post-mariage pour tous ». L’Assemblée se veut, indépendamment des députés, un acteur à part entière dans le débat politique et social national. La consultation citoyenne de février dernier, que le site a accueilli, est dans cet esprit : faire de ce dernier un point de rencontre, un carrefour d’idées. L’Assemblée ne veut plus être un lieu d’enregistrement de projets de loi dont la confection lui échappe en grande partie, elle ambitionne d’être le catalyseur du débat démocratique en l’initiant, puis après l’intervention du gouvernement, être celle qui le résout.

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Page d’accueil du portail Open Data, le 22 septembre 2015

Puis, en juin 2015, l’Assemblée lance son portail Open Data, où elle met à disposition un certain nombre de documents primaires relatifs aux travaux parlementaires ou aux députés. La politique numérique d’ouverture trouve ici son point d’orgue : une partie du site internet est maintenant directement reliée aux propres bases de données internes de l’administration parlementaire. Non pas que le procédé nécessite encore quelques évolutions, ou qu’il n’y ait aucun filtre, mais le projet est celui de permettre un accès aux sources. L’Assemblée consent à céder son exclusivité sur certaines des données qu’elle produit. Le portail Open Data est en quelque sorte l’aboutissement du projet pensé par Philippe Seguin pour le site internet : celui de simplement mettre à disposition le contenu tel qu’il circule dans l’Assemblée. Ces 18 années furent celles du passage du PDF au HTML, puis à la base de données.

Épilogue

Le site internet et les Journées du Patrimoine à l’Assemblée ont donc pour même objet de faire venir les citoyens au centre de la vie parlementaire, avec toujours le souci de faire respecter une distance minimale. Durant les Journées du Patrimoine, la distance est celle de l’événement ponctuel, où le temps d’un week-end où l’Assemblée reçoit et interagit avec ses invités. Sur le site internet, la distance est celle qu’octroie le support médiatique, qui offre la possibilité de suivre de plus en plus près et en temps réel les débats, mais où aucune interaction n’est permise.

Au travers de ces quatre périodes, dans lesquels prennent place quatre sites internet, ce sont en fait quatre manières de gérer cette distance que l’on a vu ou, autrement dit, quatre manières de gérer la relation Assemblée/citoyens. La première époque était celle du partage de contenu : c’est-à-dire l’ouverture façon publicité des débats. La seconde époque était du portail de services : c’est-à-dire de la proximité avec les citoyens par la constitution d’un avatar dans un espace social émergent. La troisième époque était du bureau virtuel : c’est-à-dire de la séparation de l’espace du député et de l’espace du citoyen. La quatrième époque est celle de l’éclatement : c’est-à-dire où le site n’est plus une entité intégrée mais devient le centre d’un réseau de portes d’accès spécifiques. Quelle sera la cinquième période ? Si je suis fidèle à mon hypothèse initiale, cela dépendra essentiellement de qui sera le prochain occupant du fauteuil présidentiel.

Or justement, il me faut faire une petite remarque avant de terminer. Cette histoire qui met l’accent sur la politique de l’interface a (je sais bien) le défaut de gommer la continuité technique de l’équipe en charge de la concevoir. Cette équipe, du service de la communication aujourd’hui, reçoit ses ordres du politique mais demeure en place quand lui se renouvelle lors d’un changement de législature. Il existe donc aussi, dans l’histoire de ce site internet, une cohérence proprement administrative qui n’apparaît pas ici. Elle est d’autant plus importante que le service de communication avait, jusqu’à récemment, l’initiative sur les questions numériques. Quelle était alors la part d’intervention réelle du politique ? Tous les présidents se contentaient-ils de donner simplement leur aval à un projet déjà ficelé, ou certains étaient-ils plus interventionnistes ? Sans ses réponses, l’histoire politique du site internet ne semble faite que de ruptures, elle possède pourtant une continuité. Cette dimension je la méconnais malheureusement. Peut-être arriverais-je à en savoir plus un jour…

 

Disclaimer : il n’est pas impossible que certaines erreurs factuelles se soient glissées malgré moi dans ce billet. Toute information ou remarque qui me contredirait est bienvenue (même anonyme). Utilisez les commentaires ci-dessus, ou sinon envoyez-moi un mail ou un tweet.

Crédits : ce travail n’aurait pas été possible sans l’incroyable base de donnée du projet Wayback Machine chez Archive.org ; mais aussi que les discussions riches et conseils de lecture avisés de @moossye et @jaimelesmuses.

Édit de 18h30 : ajout du fait que la maquette du bureau virtuel des députés est en 2015 toujours celle de 2006, avec un lien vers une capture d’écran (envoyé via Twitter). Merci @pjanuel.

Édit du lendemain : ajout de la date exacte de la mise en ligne du site internet (source).

Citer ce billet : Jonathan Chibois, « Une histoire politique du site internet de l’Assemblée », LASPIC | Carnet [en ligne], 22 septembre 2015, URL : http://laspic.hypotheses.org/3403 (consulté le 19 janvier 2016).


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